Histoire et pluralité des perspectives en communication
Nous avons le plaisir de vous inviter au prochain séminaire de l'axe 4 du CRICIS, Épistémologies critiques en culture et en communication. Ce séminaire intitulé « Histoire et pluralité des perspectives en communication » se tiendra le vendredi 27 mars 2020 à 9h30 au R-1910 (Pavillon ESG) à l'Université du Québec à Montréal.
À cette occasion, nous accueilleront Catherine Russel, professeure en études cinématographique (Film Studies) à l'Université Concordia; Valérie Schafer, professeure en histoire européenne contemporaine à l'Université de Luxembourg et chercheuse à l'Institut des sciences de la communication au CNRS/Sorbonne Nouvelle et François Vallotton, professeur en histoire contemporaine à l'Université de Lausanne. Le séminaire sera animé par Katharina Niemeyer, professeure à l'École des médias de l'UQAM et Martin Bonnard, étudiant au doctorat en communication à l'UQAM. Vous trouverez une synthèse du séminaire et des interventions ci-bas.
Le séminaire est gratuit et ouvert à toutes et à tous. Aucune inscription n'est requise.
Histoire et pluralité des perspectives historiques en communication
Ce séminaire sur l’histoire et la pluralité des perspectives historiques envisage l’étude des processus et phénomènes communicationnels dans la « longue durée » afin de dégager au-delà de l’événementiel ou du conjoncturel ce qui est structurellement pertinent pour retracer l’évolution des dynamiques de transformation à l’œuvre dans différents contextes sociohistoriques. Il interroge les présupposés épistémologiques de cette approche, leur actualité et leur apport à une histoire plurielle des médiations et des médiatisations contemporaines. Est-il possible et nécessaire de conjuguer la micro-histoire et la macro-histoire ? Le conjoncturel et le structurel ? L’événement (médiatique) et la longue durée ? Quelles approches théoriques permettent aujourd’hui d’enrichir la perspective structurelle en assurant la prise en compte de la nature foisonnante de l’histoire et de l’historiographie ?Ce questionnement est aujourd’hui d’autant plus significatif que la tendance est de trop souvent circonscrire les phénomènes en question essentiellement dans le temps présent - ou encore de courte durée - et d’en privilégier l’étude en vertu de leur caractère de « nouveauté », d’actualité. Ainsi, une technologie semblant chasser une autre, les objets de recherche vont rapidement changer en fonction des dernières « innovations » dominantes, tandis que, pourtant d’un grand intérêt, les enseignements issus des travaux effectués sur des objets plus anciens, enfouis ou encore oubliés sont par la suite largement – mais pas complètement – ignorés. Les approches émanant des chercheur.e.s en histoire, histoire des médias et en archéologie de médias apportent ici des regards critiques, structurants et pertinents – voire même nécessaires afin de ne pas céder à l’oubli du passé des « nouvelles » technologies de communication qui sont souvent vendues et commercialisées comme étant a-historiques. Par ailleurs, la multiplicité des pôles d’observation sur l’histoire qui sont définis soit en fonction de champs disciplinaires concurrents, soit à partir d’optiques nationales spécifiques, soit encore en regard des rapports sociaux de pouvoir, ne conduit pas nécessairement à des vues convergentes sur les réalités sociales, leur généalogie et leur portée historique.Les trois intervenant.e.s proposeront leur perspective sur leur conception de l’histoire et sur la place de la longue durée dans leurs recherches.
Texte d’introduction rédigé par Michel Sénécal, professeur au Département Sciences humaines, Lettres et Communication de la Téluq, Katharina Niemeyer, professeure à l'École des médias de l'UQAM et Martin Bonnard, étudiant au doctorat en communication à l'UQAM.
Catherine Russell : Walter Benjamin and Archiveology: Collecting, Dreaming, and Decolonizing the Archive
This paper discusses Walter Benjamin’s critical historiography and its relationship to archival film practices, arguing that many of his key concepts anticipate the practice of remixing and recycling film images of the past to create new modes of cultural history. Benjamin’s theory of language, his theory of collecting, and his theory of the phantasmagoria, will all be examined in terms of their contribution to archival film practices. The last part of the paper includes a discussion of The Souvenir Project, a series of four short films by Indigenous Artists produced by the National Film Board of Canada, as examples of decolonizing the archive. Thinking about these films in terms of archiveology and visual sovereignty, I argue that archiveology is a concept embedded in the commons, in which the notion of sovereignty is perhaps misplaced.
Catherine Russell is Distinguished Professor of Film Studies at Concordia University in Montreal, Mel Hoppenheim School of Cinema, Canada. She is the author of five books, including Experimental Ethnography: The Work of Film in the Age of Video (1999), and Archiveology: Walter Benjamin and Archival Film Practices (2018) and two books on Japanese cinema. Her articles on documentary cinema, Japanese cinema, and experimental film have appeared in numerous journals, collections, readers, and anthologies. Please see http://www.catherinerussell.ca
Textes d’accompagnement :
- Catherine Russell, “Paris 1900: Archiveology and the Compilation Film,” in New Silent Film, Paul Flaig and Katherine Groo eds. Routledge, 2015, 63-84.
- Miriam Hansen, “Aura” The Appropriation of a Concept,” in Cinema and Experience: Siegfried Kracauer, Walter Benjamin, and Theodor Adorno. (Berkeley, CA: University of California Press, 2012), 104-131.
Valérie Schafer: Les héritages des débuts d’Internet et du Web
Alors que l’an dernier étaient célébrés les 50 ans du réseau ARPANET et les 30 ans du World Wide Web, ces anniversaires étaient l’occasion de revenir largement sur les fondements du « réseau des réseaux ». Ce retour aux sources permettait de prendre la mesure des changements intervenus, mais aussi de continuités certaines, ainsi que de valeurs séminales qui sont régulièrement convoquées dans les débats contemporains. Cette intervention se propose de revisiter les héritages des débuts d’Internet et du Web en trois temps : celui de la mémoire, de la nostalgie et de la reconstruction d’un âge d’or d’abord. Ensuite nous aborderons les héritages et patrimoines matériels et immatériels de ces premières communications en réseaux, notamment le patrimoine nativement numérique (Born-Digital Heritage) que sont les archives du Web et les newsgroups de la communauté Usenet. Enfin nous nous intéresserons à la réactualisation récurrente de controverses nées dès les premiers âges du Web, voire en amont (en termes d’anonymisation, régulation, rôle des intermédiaires, neutralité, etc.).
Valérie Schafer est professeure d’histoire européenne contemporaine au C2DH à l'Université du Luxembourg et chercheuse associée au Centre Internet et Société (CNRS). Après avoir consacré sa thèse à l’histoire des réseaux Cyclades et Transpac et son HDR à l’histoire du Web en France dans les années 1990, elle poursuit ses recherches sur l’histoire de l’informatique, des télécommunications et des patrimoines et cultures numériques. Elle a récemment publié En construction, la fabrique française d’Internet et du Web dans les années 1990 (Ina Editions), co-publié Qu’est-ce qu’une archive du Web? (OpenEditions) et co-dirigé Penser l’histoire des Médias (CNRS Éditions). Elle a co-fondé la revue Internet Histories et fait partie du conseil scientifique d’Orange et de l’Afnic. Elle participe activement au groupe de recherche européen RESAW dédié aux archives du Web et qui mêle chercheurs et archivistes.
Textes d’accompagnement :
- Valérie Schafer, « Du grand secret à la ‘défaite de l’Internet’. Enjeux, mobilisations et controverses autour du pouvoir des intermédiaires en France dans la décennie 1990 », Histoire et Informatique, Chronos Verlag, vol. 20, 2019, pp. 23–40.
- Anne Helmond, « A historiography of the hyperlink: Periodizing the web through the changing role of the hyperlink », In Brügger N and Milligan I (eds) The SAGE Handbook of Web History. London, UK: SAGE Publications, pp. 227–241.
François Valloton : Histoire des médias et temporalités historiques
Mon intervention postulera que l’un des apports de l’histoire des médias, un domaine récemment institutionnalisé, est d’avoir contribué à proposer un nouveau regard sur les formes de temporalité historique.Mon analyse se fera en deux temps. Le premier sera consacré à la notion de culture de masse et à sa relecture par les historien.ne.s des médias et du culturel depuis une vingtaine d’années. On peut observer à cet égard un double déplacement dans la perspective du séminaire. D’abord une extension de la profondeur historique de ces phénomènes de par l’analyse des dispositifs de production et de réception dès le début du XIXe siècle. Ensuite une meilleure prise en compte, avec l’apport notamment de perspectives comparatives puis transnationales, des rythmes d’acculturation différenciés en fonction des espaces mais aussi des périodes historiques. Une deuxième perspective critique majeure sera constituée par la présentation synthétique de l’apport de l’archéologie des médias dans une forme de remise en question à la fois de la linéarité de l’analyse historique et de la compartimentation d’approches sectorielles ne dialoguant pas les unes avec les autres. Un accent particulier sera porté à la remise en question de la notion de «new media» qui, dans l’historiographie traditionnelle, tendait à surestimer l’ampleur de ruptures techniques en négligeant les phénomènes de recomposition et de réactualisation de phénomènes bien antérieurs.
François Vallotton est professeur ordinaire d'histoire contemporaine à l'Université de Lausanne où il enseigne plus spécialement l'histoire des médias. Auteur de nombreuses contributions dans le domaine de l'histoire culturelle et intellectuelle, il a notamment consacré sa thèse à l'histoire de l'édition suisse francophone. Il a aussi développé de nombreux projets d'enseignement et de recherche portant sur l'histoire de la radio et de la télévision dans une perspective suisse mais également transnationale. Cofondateur du Centre interdisciplinaire des Sciences historiques de la culture à l'Université de Lausanne, il est l'un des animateurs du site "Histoire audiovisuelle du contemporain" et coresponsable du projet «Au-delà du service public: pour une histoire élargie de la télévision en Suisse, 1960 à 2000» (https://wp.unil.ch/tvelargie/).
Textes d’accompagnement :
- François Vallotton, «Culture médiatique», in Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, sous la dir. de Christian Delporte, Jean-Yves Mollier et Jean-François Sirinelli, Paris, PUF, 2010, pp. 219-223.
- Judith Keilbach et Markus Stauff. « When Old Media Never Stopped Being New. Television’s History as an Ongoing Experiment », dans After the Break. Television Theory Today, édité par Marijke de Valck et Jan Teurlings, Amsterdam: Amsterdam University Press, 2013, pp. 79‑98.

Date / heure
Lieu
Montréal0
Prix
Renseignements
- Lena Hübner
- cricis@uqam.ca
- http://cricis.uqam.ca