Racismes et travail

On utilise le concept de « racisme » dans notre vie quotidienne, mais dans quel sens ? Les malentendus s’accumulent et limitent notre compréhension d’un sujet en lui-même complexe. Selon Ijeoma Oluo, dans son livre So you want to talk about race, il n’existe aucun consensus véritable sur la définition du racisme, ce qui déjà constitue un signe très révélateur des problèmes que nous rencontrons dans nos sociétés par rapport à cette calamité, car la manière dont on le définit s’avère déterminante pour choisir les moyens de le prévenir comme de le combattre. Pour Achille Mbembe, « le racisme consiste aussi à faire de toute tragédie un accident. » En fait, le racisme se transforme dans le temps et selon les différents contextes sociaux et organisationnels dans lesquels on retrouve ses manifestations.

Notre objectif dans cette Table ronde : Racismes et travail est de débattre des diverses formes de manifestations du racisme dans différents milieux de travail au Québec et de la façon dont nous pouvons les combattre. Sept participant.e.s présenteront leurs recherches ou des propositions issues de leur engagement syndical sur les manifestations du racisme dans les Mondes du travail. La dernière heure de la table ronde sera consacrée à un débat sur ces questions.

Il s’agit des présentations suivantes, dans l’ordre : 

1- Comprendre l’exclusion et la subalternisation des travailleurs et travailleuses racisés sur le marché du travail : le poids de la race et de la racisation.

Paul Eid, sociologue, professeur au Département de sociologie de l’UQAM

L’exclusion et la subalternisation des travailleuses et travailleurs racisés sur le marché du travail relève d’une forme de racisme systémique. Cette présentation passera en revue les différentes formes que prennent concrètement ce racisme systémique sur le marché du travail québécois : discriminations directes et préjugés racistes, micro-agressions ; normes et pratiques organisationnelles d’embauche et de promotion porteuses de biais directs ou indirects ; programmes étatiques visant à mettre à la disposition des employeurs, dans certains secteurs de l’économie, une main-d’œuvre migrante bon marché, corvéable et jetable.

2- Se vivre comme une femme racisée « asiatique » au travail : le cas de femmes de nouvelle génération vietnamienne nées au Canada.

Sophie Hamisultane, sociologie clinicienne, professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal

Plusieurs imaginaires entourent l’image de la femme « asiatique ». Les significations qui en découlent socialement sont perçues comme gratifiantes, collant à des stéréotypes « d’intégration » ou à des critères de séduction véhiculés aussi dans le milieu du travail. Ces imaginaires s’inscrivent dans des rapports de domination hérités des structures coloniales françaises. Cette communication permettra de remonter le fil des témoignages de femmes de la nouvelle génération vietnamienne nées au Canada, afin d’en comprendre les ancrages sociohistoriques. Elle s’attachera à déconstruire certains de ces imaginaires (tout en revenant sur le concept d’imaginaire social), pour appréhender les impensés actuels de la racisation.

3- Racisme et travail, est-ce un épouvantail ?  

Marc-Édouard Joubert est président du Conseil régional FTQ Montréal métropolitain

Le racisme dans les milieux de travail menace le socle de la solidarité ouvrière et, par conséquent, affecte le rapport de force recherché par les organisations syndicales. Ne pas questionner ce fléau correspond à laisser l’eau s’infiltrer dans les fondations d’une maison. Jay Wheaterill, politicien australien, a expliqué : « Vous n’obtiendrez pas l’unité en ignorant les problèmes qui doivent être examinés. »

4- Racismes : conformisme et résistances

Angelo Soares, sociologue du travail, professeur titulaire au Département d’organisation et ressources humaines de l’ESG-UQAM

Les travailleuses et les travailleurs noirs sont souvent exposés à des conditions de travail pénibles et à des organisations du travail « sans âme ». Ils sont soumis à différentes attitudes de racisme au travail. Ils deviennent victimes de différentes formes d’abus verbaux, de violences physiques et psychologiques. Néanmoins, comment les travailleuses et les travailleurs noirs s’organisent-ils pour affronter cette réalité ? Ils ne sont pas des victimes passives d’une telle réalité... Ils résistent ! Comme l’a affirmé Michel Foucault : « Où il y a pouvoir, il y a résistance ». Parfois, cette résistance est collective et organisée, mais la plupart du temps, elle se trouve individuelle et silencieuse. Ce sont ces rébellions silencieuses que nous analyserons à partir des récits d’un col bleu et d’une col blanc de la ville de Montréal. 

5- Le racisme à travers la professionnalisation du travail du soin.

Natalie Stake-Doucet, Infirmière, (MSc et PhD), professeure adjointe à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal

Cette présentation explorera comment la professionnalisation du travail infirmier a intégré subtilement les fondements du racisme systémique. Le processus politique de professionnalisation sera exploré dans une historiographie critique retraçant la formation d’une élite infirmière blanche au Canada et aux États-Unis qui a dirigé les efforts de professionnalisation, et sa complicité dans la violence coloniale et raciste.

6- Racisme systémique et conventions collectives

Carole Yerochewski, sociologue et syndicaliste retraitée

Longtemps, le syndicalisme a assimilé le racisme à sa version étroite, réduite aux actes et aux discours « ouvertement racistes ». Il semblait difficile de combattre ce racisme à partir de négociations collectives, à moins d’ajouter des clauses qu’on peinait à formuler. Mais cette représentation ne rend pas compte des multiples injustices collectives et des microagressions que subissent les groupes racisés. Elles s’illustrent en premier lieu par un non-respect ou un contournement massif des conventions collectives existantes, comme le montre une enquête par questionnaire auprès d’un échantillon volontaire de participant.e.s dans différents milieux de travail.

7 – Politiser les plaintes des travailleuses et travailleurs racisés

Rama Diallo, trésorière du Conseil central Montréal métropolitain de la CSN

Les réalités du racisme systémique en milieu de travail ouvrent des possibilités immédiates et concrètes de lutte pour les syndicats. Savoir identifier et reconnaître ce racisme systémique, dont se plaignent les travailleuses et travailleurs racisés, est un acte politique que les syndicats peuvent poser, notamment en développant des formations sur les réalités du racisme systémique et en favorisant une représentation collective des personnes racisées dans les instances des syndicats.

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jeudi 20 mars 2025
18 h à 21 h

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UQAM - Pavillon des sciences de la gestion (R)
R-M130
315, rue Sainte-Catherine Est (R)
Montréal
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